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Toucher, expressivité du geste et couleur en art thérapie au service de la relation

Au sein de la Clinique d’Amade, ce vendredi matin, le groupe d’art-thérapie se réduit à 3 patientes. Nous avions démarré une fresque de groupe autour de la thématique du chemin. Les patientes ressentent ce matin un besoin de mettre en pause ce travail étant donné que beaucoup de monde manque à l’appel.

Pour autant, elles ressentent ce besoin d’être en relation.

Une de mes patientes prend la parole spontanément.

  • « J’aimerai bien qu’on peigne à deux, que l’une de nous prenne la main de l’autre et peint ».

Je saisis cette proposition au vol, consciente que les patients sont autant créateurs que moi. En art-thérapie, je fais confiance à leurs processus. Quand il se manifeste dans les mots, je le prends en considération et crée ensemble une proposition sur mesure, au plus proche de leurs vérités.

 

Travailler la relation est une thématique centrale en art-thérapie qui est sans cesse revisitée. L’utilisation du toucher, l’expressivité du geste et de la couleur peuvent alors permettre à chacun de travailler sur ses propres enjeux relationnels, leur communication et leurs émotions.

 

Art thérapie et relation : mise en place de l’atelier

Le toucher, l’expression du geste et la couleur comme leviers relationnels

Je déroule une grande feuille de papier. Je propose l’utilisation de la peinture acrylique et des pinceaux dans un premier temps, puis de la main. Chaque patiente prend une couleur pour la séance.

Je demande si chaque patiente consent au toucher, sur les mains, les poignets et sur l’épaule. Bien qu’elles consentent toutes au début, je leur rappelle qu’elles peuvent revenir sur leurs choix à tout instant.

Puis les binômes se forment. Karine guide Marie qui guidera Elisa qui guidera Karine.

Mon premier binôme commence avec le rose de Marie. Je les fais se centrer et s’ancrer dans le cœur toutes les deux, les yeux fermés. Puis Karine ouvre les yeux, pose sa main sur celle de Marie puis sur son épaule.

 

 

Le déroulé de séance pour des patientes abordant la relation

Le mouvement et l’expression plastique pour aborder les enjeux relationnels, la communication et les émotions

Commence alors une danse à deux, où les yeux clos, Marie se laisse porter par la main de Karine dans un tracé rapide et expressif. Ce temps dure une minute. Puis Karine s’arrête, prend le temps de se déconnecter de Marie en enlevant doucement sa main. Elles ouvrent les yeux et découvrent avec émerveillement le tracé spontané qui ondule sur la feuille.

Au delà du résultat, Karine témoigne de son envie de se laisser aller dans l’expression, d’emmener la main de Marie loin sur la feuille, de la faire voyager. Elle ressentait de la frustration car elle sentait une résistance chez son binôme bien que le tracé avait de l’ampleur.

Marie sent de la rigidité dans son corps. Elle se tend beaucoup. Elle évoque avoir eu du mal à respirer. Elle sentait l’envie chez Karine mais elle n’était pas prête. Le rythme qu’elle proposait lui semblait rapide. Pourtant, Karine accepte malgré tout la danse.

J’accompagne Karine à observer son envie et sa difficulté à prendre le rythme de l’autre en considération. Bien qu’elle puisse sentir son désir, elle prend beaucoup de place dans la relation. Invitée à écouter ses valeurs humaines de partage, d’amour et d’empathie, je lui propose d’œuvrer vers un autre rythme, une écoute fine de la relation et un accordage plus juste.

Marie se sent triste. Elle observe qu’elle a tendance à se conformer à l’autre dans le but de ne pas se sentir rejetée ou abandonnée. Elle peine à poser des limites ou à écouter son stop intérieur, son consentement car elle se donne entièrement à la relation. En prenant conscience de ses enjeux relationnels, elle se met à pleurer.

Je la rassure en lui proposant d’observer cela telle une pépite, un trésor qui permet d’avancer. Je l’invite à faire ce pas de coté de constater cela, sans pour autant laisser son égo s’en emparer. Ainsi, pas d’autoflagellation, pas de culpabilité mal placée, pas de jugements, juste de la mise en conscience.

En voyant les pleurs de Marie, Karine éprouve de la culpabilité. Elle a l’impression d’avoir mal agi, de ne pas avoir pris soin, s’en veut. Comme pour Marie, je lui propose de constater en gagnant la posture de l’observateur sans que son égo s’utilise cette histoire pour la faire souffrir.

La posture de l’observateur est une vraie ressource où on constate ce qui est. Juste ce qui est. On cherche à éviter à alimenter la situation avec des pensées et des émotions qui vont alors suralimenter la situation. La mise en conscience devient possible quand en faisant ce pas de côté, on revient au corps en constatant puis en agissant avec nos valeurs.

Je propose au binôme de faire un autre essai. Cette fois-ci, je leur propose de travailler la main sur la main sans le pinceau. La peinture est prise dans un bac, puis je viens régulièrement alimenter la couleur en déposant la peinture à même la fresque.

Une fois le centrage effectué, les valeurs connectées, j’invite Karine à poser sa main sur l’épaule de Marie. Naturellement, mes patientes se rapprochent, leurs corps se collant l’une à l’autre de manière juste et adapté.

Vient alors ce temps d’expression.

Karine guide alors Marie avec un rythme plus lent, plus de douceur. Elle s’autorise à lui faire faire des pauses. Elle tente de faire déplacer Marie et comme un corps accord, les deux se déplacent d’une seule voix. Bientôt c’est presque la longueur de la fresque qui est investie par la couleur.

Leurs têtes se touchant presque, on observe ma collègue et moi que leurs respirations sont accordées. Et dans cette connexion profonde, proche du sacré, Marie et Karine revisitent leurs approches relationnelles.

Marie prend le temps de sentir comment elle se sent en relation. Elle écoute sa vérité intérieure, vérifie si elle consent à la proposition de Karine. Son corps se détend, ondule, crée de l’ouverture tout en étant bien solidement ancrée dans le sol. Des sourires, des petits rires se dessinent sur son visage.

 

 

La clôture de séance de la séance d’art thérapie

La joie, le partage et le plaisir pour se faire confiance et œuvrer à une relation plus consciente

Quand leurs yeux s’ouvrent et que coulent quelques larmes d’émotions, chacune de mes patientes comprennent qu’une étape vient d’être franchie pour elles.

Elles peinent à trouver les mots et je préfère qu’elles restent dans leurs vécus expérientiels. Remettre parfois du mental trop vite ne permet pas forcément une meilleure intégration de l’expérience.

Bien que certaines pistes de réflexions se profilent, je pense profiter d’un autre article pour parler de leurs vécus.

L’art-thérapie est une forme de psychothérapie humaine et expérientielle qui permet vraiment la transformer de nos enjeux relationnels quand ils sont accompagnés avec amour, bienveillance, respect, cadre et discernement. Mais quelle belle aventure humaine… la suite au prochain article.