L’atelier d’art-thérapie arts plastiques de la Clinique Hegaldia Sud Landes s’ouvre ce matin.
Le temps est gris à l’image de mon groupe de patientes qui se présente comme triste, anxieux et morose.
Je vois la fatigue marquer leurs visages. Elles me disent n’avoir aucune envie, être anxieuses et sans élan. Je ressens un besoin de contenance, de prendre soin, de proposer une bulle de ressourcement.
« Je n’ai pas l’énergie de socialiser », « je me sens très anxieuse, c’est déjà un miracle que je sois venue », « ça ne va pas, j’ai le moral dans les chaussettes » me disent les patientes.
En utilisant l’échelle d’évaluation de l’anxiété, je prends note que chaque personne a un score autour de 8/10.
Autant dire que l’anxiété est là, bien présente, figeant les corps et les désirs, piégeant les patientes dans une boucle incessante de ruminations et de pertes d’envies.
Le groupe de 4 n’a pas envie de faire une production de groupe, mais ils apprécient de se voir et d’être ensemble.
L’enjeu de la séance sera de prendre soin de chacun dans leurs vécus de l’instant tout en ouvrant vers l’émerveillement, la contenance, la joie en relation, même de manière indirecte.
Mise en place du dispositif de la séance d’art-thérapie
De la forme à la couleur : de l’ancrage à l’expression plastique pour contenir l’anxiété en art-thérapie
Nous prenons les papiers format A3. J’installe sur la table les crayons de couleurs, les feutres, les pastels secs et gras. Une boite d’aquarelle, des pinceaux de toutes formes et quelques encres de couleur sont ajoutées. J’invite chaque patiente à tracer une forme sur la feuille. Elle peut être géométrique ou complètement farfelue.
Je propose ensuite de déposer spontanément des touches de couleurs au sein de cette forme.
En art-thérapie il n’est pas demandé d’avoir de compétences artistiques ou de réaliser des productions esthétiques.
Au contraire, les patientes sont libres de tracer des lignes, peindre avec leurs doigts, déposer des touches de pastels, projeter de l’encre dans la forme au grès de leur envie.
Le déroulé de séance pour les patientes souffrantes d’anxiété
La vie, le jeu et la créativité au service des patientes pour calmer l’anxiété
Les élans à la vie, tels une danse magique se relancent…
Les patientes prennent très vite les crayons. Elles tracent des formes libres et choisissent des outils qu’elles affectionnent : crayon de couleur, aquarelle, encre…
Au son de la musique, elles déposent des touches de couleurs, des symboles et des mots dans les formes.
Aujourd’hui, je m’installe avec elles en réalisant moi aussi une production. Je me laisse portée. En faisant avec elles, je réponds à leurs besoins de contenance, d’ancrage et de soutien, mais aussi de partage dans la rencontre avec le vivant.
A travers les expressions plastiques, je sens les corps se détendre, se déposer davantage sur la chaise. J’en profite pour leur proposer de faire un stop de quelques secondes pour conscientiser, ressentir puis repartir.
Je les invite aussi à ralentir, à ressentir les gestes pleinement et à les éprouver pleinement dans leurs densités.
Dans cette proposition, l’attention est mise sur les sens, l’instant présent, la respiration et le mouvement conscient.
La clôture de séance de la séance d’art-thérapie
Face à l’anxiété, l’ouverture du cœur et l’apaisement de l’être
Julie me dit spontanément « ça m’apaise ! ».
« Je me détends », lui réponds Alice.
« Moi, je pense moins » dit sa voisine Léa.
« Vous avez toutes fait au moins deux productions, moi je n’en ai fait qu’une seule.
Auparavant, j’en aurai surement fait 4 ! Mais avant, je ne prenais pas le temps de ralentir », nous raconte Elsa.
Les patientes ont fait le choix de rester sur leurs productions, parfois d’en faire plusieurs.
L’atelier fut telle une bulle immersive. Un espace où les formes, l’accompagnement en art-thérapie et les expressions ont pu contenir l’angoisse et l’anxiété.
Cet atelier inédit avait pour but de soutenir les patientes dans leurs vécus, leurs énergies vitales et leurs processus. Il a également permis de relancer le plaisir, le désir, la joie et l’émerveillement.
Les patientes ont pu s’accueillir dans toutes leurs dimensions psychiques. Une part d’elle était anxieuse, mais elles ont pu « faire un pas de côté », s’observer comme un contexte d’apparition et non comme le contenu. Elles ont alors pu s’en défusionner et changer leurs états internes.
Ce changement a pu être possible en allant contacter leurs valeurs mais aussi par l’accompagnement en art-thérapie.
J’émets le postulat que la relation thérapeutique est une relation d’amour. Portée par le cœur, elle permet à chaque personne d’œuvrer dans la reconquête de soi, sa souveraineté et sa liberté.
Avant de clôturer l’atelier, j’ai demandé à chacune leurs vécus de séance. Au-delà de l’apaisement, de la détente et du partage, les notes sur l’échelle de l’anxiété ont toutes chutées. Les scores sont passés de 7/8 à 3/4 sur 10.
Les patientes ont observé que même si une part d’elle était anxieuse, elles avaient la possibilité de s’accueillir dans l’amour, le respect et la bienveillance. Elles pouvaient contacter d’autres parts d’elle, comme celles pilotées par la joie, le plaisir, émerveillement, l’amour, le partage… Elles ont décidé de s’exprimer en allant contacter ce qui fait sens à leurs yeux.
Bien que l’anxiété soit présente, elles ont pu ne pas s’identifier à elle. Ainsi, bien qu’anxieuse, elles se sont autorisées à vivre autre chose, à mobiliser leurs énergies pour vivre une aventure au plus proche de leurs vérités.
